Georges BRAQUE, Viaduc à l'Estaque, automne 1907, 65,1 X 80,6, Minneapolis, The Minneapolis Institute of Arts
La peinture fauve m'avait impressionné par ce qu'elle avait de nouveau, et cela me convenait... C'était une peinture très enthousiaste et elle convenait à mon âge, j'avais vingt-trois ans... Comme je n'aimais pas le romantisme, cette peinture physique me plaisait. Cela a duré le temps des choses nouvelles. J'ai compris que le paroxysme qu'il y avait en elle ne pouvaitpas durer. Comment ? Quand je suis retourné pour la troisième fois dans le Midi, je me suis aperçu que l'exaltation qui m'avait rempli lors de mon premier séjour et que j'avais transmise à mes tableaux, n'était pas la même. J'ai vu qu'il y avait autre chose.
Il fallait trouver d'autres moyens à ma nature... Quand on réfléchit, cela change la couleur d'une chose... J'avais été impressionné par Cézanne, par ses tableaux que j'avais vu chez Vollard, je sentais qu'il y avait quelque chose de plus secret dans cette peinture (...) Les masques nègres aussi m'ont ouvert un horizon nouveau. Ils m'ont permis de prendre contact avec des choses instinctives, des manifestations directes qui allaient contre la fausse tradition, dont j'avais horreur.
Georges BRAQUE (entretien avec Dora VALLIER), « Braque, la peinture et nous », Cahiers d'Art, I, 1954
Georges BRAQUE, Viaduc à l'Estaque, juin-juillet 1908, 72,5 X 59, Paris, Musée National d'Art Moderne
Georges BRAQUE, Port en Normandie, Le Havre et Paris, mai-juin 1909, 96,2 X 96, 2, Chicago, The Art Institute of Chicago
Pablo PICASSO, Usine à Horta de Ebro, Horta de Ebro, été 1909, 53 X 60, Saint-Petersbourg, Musée de l'Ermitage
Georges BRAQUE, Le Château de la Roche-Guyon, été 1909, 92 X 73, Eindhoven, Stedelijk Van Abbe Museum
Georges BRAQUE, Violon et palette, Paris, automne 1909, 92 X 43, New York, The Salomon R. Guggenheim Museum
La perspective traditionnelle ne me satisfaisait pas. Mécanisée comme elle est, cette perspective ne donne jamais la pleine possession des choses. Elle part d'un point de vue et n'en sort pas. Or, le point de vue est une toute petite chose. C'est comme celui qui toute sa vie dessinerait des profils en faisant croire que l'homme n'a qu'un seul oeil... Quand on en arriva à penser ainsi, tout changea, vous n'avez pas idée à quel point !... Ce qui m'a beaucoup attiré - et qui fut la direction maîtresse du cubisme - c'était la matérialisation de de cet espace nouveau que je sentais. Alors je commençais à faire surtout des natures mortes, parce que dans la nature morte il y a un espace tactile, je dirais presque manuel. Je l'ai écrit du reste : « Quand une nature morte n'est plus à la portée de la main, elle cesse d'être une nature morte. »... Cela répondait pour moi au désir que j'ai toujours eu de toucher la chose et non seulement de la voir. C'est cet espace qui m'attirait beaucoup, car c'était cela la première peinture cubiste, la recherche de l'espace. La couleur n'y avait qu'un petit rôle. De la couleur il n'y avait que le côté lumière qui nous préoccupait. La lumière et l'espace sont deux choses qui se touchent, n'est-ce pas ? et nous les sentions ensemble ... On nous appelait abstraits !
Georges BRAQUE (entretien avec Dora VALLIER), « Braque, la peinture et nous », Cahiers d'Art, I, 1954